« L’inflation élevée est un défi majeur pour nous tous. » C’est ainsi que Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE) a ouvert son discours lors de la conférence de presse donnée le 9 juin dernier. En effet, force est de constater que les taux augmentent davantage chaque mois dans différents pays de l’U.E, signe que chaque euro permet d’acheter moins de produits. En mai 2022, l’inflation était de 5,2% en France et a même atteint les 20% en Estonie depuis le début de l’année. La BCE, dont la mission première est de veiller à ce que le taux reste voisin des 2%, était alors sommée de réagir au plus vite.
Pour réduire la hausse générale des produits de consommation, une seule alternative pour la BCE : augmenter ses propres taux de refinancement donnés aux banques de l’U.E. Une première hausse de 0,25 points sera appliquée dès juillet, et une seconde hausse de 0,50 point devrait poursuivre en septembre. Et ce ne sera qu’un début.
L’heure sera historique : pour la première fois depuis 2011, l’institut monétaire va relever ses taux, et la zone euro pourra sortir de l’ère des taux négatifs à cette date.
Certains accusent déjà la BCE de réagir trop tardivement et d’avoir attendu une inflation trop importante pour comprendre enfin l’enjeux d’une telle flambée des prix. Bien que Mme Lagarde reconnaît une « erreur » dans ses prévisions, elle souligne que celle-ci vient « d’événements imprévisibles ». En particulier, la guerre en Ukraine qui a provoqué une flambée des cours de pétrole, du gaz et des matières premières agricoles ; et la sortie de la pandémie qui a entrainé un véritable chaos dans la réorganisation des chaines logistiques.
A coté de la hausse de ces taux, la BCE souhaite prendre une autre mesure drastique : la suppression d’un programme de soutien à l’économie, celui du rachat des actifs financiers. Pour rappel, depuis 2015, la BCE intervient sur les marchés pour racheter des dettes d’état. Pendant la pandémie, elle a ainsi injecté plus de 2 280 milliards d’euros dans le système financier, le sauvant ainsi de l’écroulement. Par ce mécanisme, la BCE a pu détenir en son sein rien que 43% de la dette allemande et 29% de la dette française. C’est beaucoup, et c’est aussi lui accorder un pouvoir de pression qu’elle se refuse désormais à conserver. Des le 1er juillet 2022, la BCE s’engagera à arrêter cette pratique pour laisser davantage d’indépendance et de marge de manœuvres aux pays de l’U.E.
Mais prenons garde, la hausse des taux pourrait conduire à la stagflation. L’Italien Corrado Passera, ancien ministre du gouvernement Monti en 2011, qui dirige aujourd’hui la banque en ligne Illimity, met en garde la BCE. « Faisons attention : les taux d’intérêt sont les bons outils pour faire face à une inflation basée sur la demande, mais pas sur l’offre, avec des matières premières non disponibles et des chaînes logistiques qui fonctionnent mal, prévient-il. J’attends donc une hausse seulement graduelle des taux. Sinon, le risque est de provoquer une stagflation en Europe. » En effet, l’inflation actuelle n’est pas le résultat d’un excès de consommation, mais celui de la hausse des matières premières. Augmenter les taux d’emprunt n’aura pas d’impact sur le prix du pétrole et de l’énergie. Et Christine Lagarde le reconnait elle-même : « la zone euro (…) ne fait pas face à une surchauffe économique ».
Une hausse néanmoins positive pour la banques. Même si le taux de refinancement de la BCE est plus élevé, les banques répercuteront directement ce taux sur les emprunts qu’elles attribueront et feront, ainsi, des marges plus élevées. Reste à savoir si la dynamique de crédits restera forte et si le secteur de l’immobilier n’en pâtira pas, puisque les banques prêteront désormais à des taux plus élevés sur des volumes plus faibles.
Enfin, n’oublions pas qu’une hausse des taux ne pourra que morceler davantage la zone euro et creuser plus profondément l’écart entre les pays les plus endettés et ceux qui s’en sortent le mieux - ce qui pourrait, au final, déboucher sur une nouvelle crise de l’euro. La Grèce et l’Italie ne vivront surement pas cette hausse de la même façon que l’Allemagne ou la France.
Quant au dollar, il sera davantage fragilisé face à l’euro, ce qui rendra le commerce international plus réticent et amenuisera les exportations européennes vers les Etats-Unis et les pays pétroliers.
Une nouvelle ère économique s’annonce donc, et sa transition risque d’être délicate.
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Bravo Julia
bonne analyse